Nous sommes rapidement devenus de bons amis. Il faut dire aussi qu'avec Paul on ne s'ennuyait jamais !

Quelle que soit l'activité pratiquée, il était toujours passionné, d'ailleurs tous ceux qui ont grimpé avec lui peuvent en témoigner : Les séances d'escalade avec Paul se terminaient en général à la nuit tombée, les bras « explosés ». Guère plus de répit quand nous grimpions en Normandie où, les jours de pluie nous nous réfugions dans les surplombs de la Roque.

A ce rythme là, je lui dois une progression assez rapide !

Pendant plusieurs années (surtout de 86 à 91) , j'ai très souvent fait cordée avec Paul, on a grimpé bon nombre de grandes voies à Presles, Archiane, au Verdon, à la tête d'Aval, à la Dibona, au Baou de St Jeannet ainsi que quelques cascades de glace au Fournel, Fressinières…

Si depuis, j'ai encore pas mal escaladé, skié ou gravi nombre de sommets, toutes ces voies réussies avec Paul resteront parmi mes souvenirs de jeunesse les plus marquants: C'était la découverte des débuts et il y avait toujours un certain parfum d'aventure …

Paul était quelqu'un de vraiment attachant, il avait beaucoup d'humour et il était apprécié dans tous les milieux. Très polyvalent, il avait connu bien des gens différents et avait constitué en quelque sorte une grande chaîne de l'amitié : C'est sans doute sa plus belle réalisation !

Ainsi par son intermédiaire, j'ai eu la chance de connaître ces copains de Chamonix qui comptent aujourd'hui parmi mes meilleurs amis.

Avec eux, même si nous l'avions un peu perdu de vue ces dernières années, nous comptions bien revoir Paul un de ces jours dans une grande voie, notamment du coté d' Archiane où on avait une petite merveille à lui présenter (il s'agit d'une voie bien entendu).

Parmi toutes les escalades que j'ai effectué avec Paul, j'ai en mémoire quelques aventures ou anecdotes, celles-ci ne doivent évidemment pas faire oublier toutes les belles réussites de Paul, mais quand tout va comme prévu, il y a finalement peu de choses à raconter !

Paul appréciait la montagne sous toutes ces formes, à l'aise dans tous les domaines, il pratiquait avec brio toutes les activités : ski de randonnée, alpinisme, escalade, cascades de glace, parapente…

Cet hiver-là, Paul était très motivé pour gravir un couloir dénommé  «la raie des fesses » en face nord du Pic sans nom dans l'Oisans (la forme caractéristique de ce couloir lui a sans doute valu ce nom particulièrement poétique).

Le couloir avait été ouvert quelques années auparavant par JM Boivin et les répétitions se comptaient alors sur les doigts d'une main !

Personnellement je n'étais pas très chaud pour y aller d'autant que cet hiver là il faisait plutôt frisquet et la description de l'itinéraire avec notamment le "bouchon" de neige vertical en haut du couloir me souciait quelque peu mais Paul était lui résolument optimiste.

Nous avions passé le reveillon du nouvel an chez Philippe Laforme dans sa maison près d'Embrun, à noter que Paul avait fini par boire du champagne et accepté du fromage et de la charcuterie (il est vrai qu'une raclette avec uniquement des patates c'est moins bon !).

Le lendemain les préparatifs nous avaient occupés une bonne partie de la journée. Pour gagner du temps, Philippe et moi avions affuté les piolets et crampons de Paul pendant que lui terminait la couture de ses gants !

Je me souviens très bien avoir surpris Paul discuter couture avec la mère de Philippe et je dois reconnaître qu'il avait là aussi des aptitudes.

Partis un peu tardivement, nous avions en plus oublié de nous informer de l'ouverture de la route de la Vallouise, nous eûmes alors la surprise de découvrir qu'il y avait encore une bonne douzaine de km à parcourir à skis pour rejoindre le refuge...

Nous nous sommes donc mis en route à l'heure où les derniers randonneurs regagnaient leur voiture.

Il régnait une belle ambiance hivernale, nous ne fûmes vite éclairés que par le clair de lune et seul le crissement de nos skis sur la neige troublait le silence de ces hauts lieux.

Il est dommage qu'à l'arrivée, le refuge d'hiver du Pré de madame Carle soit si peu accueillant, l'intérieur est des plus spartiates: Des murs en béton, une grande table, 2 bancs et des paillasses à l'étage.

Le lendemain, lourdement chargés et devant faire la trace, l'approche fut assez longue mais quel plaisir de skier dans ce cadre grandiose si près de toutes ces grandes faces nord: Pelvoux, Pic sans nom, Ailefroide…

Si le couloir est évident à trouver, la première partie n'est pas simple à négocier: Après le passage de la rimaye complètement à gauche, faut il utiliser les rochers au-dessus ou traverser plus à droite ?

Nous avons choisi la mauvaise option, les 2 clous que nous avions aperçus nous induisant en erreur. Nous avons du d'ailleurs en rajouter encore 1 ou 2 et batailler un moment avant de renoncer et faire demi-tour. Par ce froid polaire (autour de –20°c), nous avions convenu pour une fois de redescendre avant qu'il ne fasse complètement nuit.

De nouveau les skis au pied à l'heure du crépuscule, j'admirais le style de Paul qui avec ses chaussures de montagnes et ses petits skis d'approche, godillait à merveille dans une neige "carton".

De retour au refuge, il nous fut impossible de préparer quoique ce soit à boire: Nous étions tombés en panne de réchaud ! Ce n'était décidémment pas notre jour.

Cette tentative ne nous a pas laissé trop de regrets, après tout nous avions fait une belle rando à skis !

Paul a gravi bon nombre des grandes voies mythiques du Verdon. C'est avec lui que j'ai découvert ce site exceptionnel : Pour une première visite Paul m'avait particulièrement gâté en m'emmenant dans les rappels très impressionnants de « Luna Bong »… Mais c'était le jour de mon anniversaire et, pour un grimpeur, c'était un beau cadeau !

Pour le Verdon, le rituel était immuable : Voyageant de nuit depuis Paris, nous n'arrivions qu'au petit matin sur place, nous installions alors notre tente un peu à l'écart du village de la Palud, mais pas trop loin du camping pour pouvoir quand même aller se doucher discrètement. 

« Emmergeant » dans l'après-midi, nous nous précipitions faire quelques longueurs, ce qui nous emmenait assez tard dans la soirée dès la première journée…

Guère matinaux pour le reste du séjour, ce « décalage horaire » nous valut un jour un bivouac peu glorieux à une longueur de la sortie d'une voie !

Les deux jours précédents, nous avions parcouru 2 grandes voies dont les fameux « rideaux de Gwendal » où Paul avait magnifiquement enchainé la longueur clé en 7b, et son second souffert de crampes.

Malgré des départs tardifs, nous étions toujours sortis avant la nuit, aussi pour notre dernier jour sur place avons nous attaqué en toute confiance la voie « Virilimité » en début d'après-midi..

Au contraire des itinéraires que nous avions l'habitude de parcourir, cette voie comprend pas mal de passages en escalade artificielle qui requièrent plus de temps surtout pour des non-spécialistes !

Ce qui explique qu'après une progression devenue de plus en plus délicate, de nuit à la frontale (avec 1 seule lampe pour deux), nous nous sommes trouvés vers 2 heures du matin au pied d'une fissure surplombante non équipée.

Non seulement le passage n'était pas protégé mais si l'unique friend que nous avions pu mettre en place lâchait, l'arbuste menaçant situé quelques mètres en-dessous nous réservait une réception des plus douloureuses...

Aussi, fatigués et pas très sûrs non plus d'être encore dans la bonne voie, nous avons attendu sagemment le jour, installés assez inconfortablement sur une petite plate-forme terreuse à une longueur de la sortie !

Le lendemain, à la lumière du jour, nous sommes venus à bout de ce mauvais pas sans nuire à notre intégrité physique mais que le voyage de retour fut long !

La dernière fois que nous avons grimpé au Verdon c'était en mai 91, nous avions encore escaladé deux très belles voies (« Triomphe d'Eros » et « la fête des nerfs »).

Je n'ai pas eu l'occasion de revenir depuis, mais n'ayant grimpé en ces lieux qu'avec Paul, il me sera bien difficile de ne pas avoir une pensée pour lui lorsque je reviendrai , j'espère qu' il ne me verra pas « tirer aux clous »!

Pendant quelques étés (86,87), Paul était régulièrement, selon l'expression consacrée, "aux bons soins" de son ami Fabrice Apère qui louait alors un appartement à Chamonix.

Paul arrivait toujours avec 2 vieilles valises en carton bourrées à craquer. La première constituait la bibliothèque: Il y avait tous les topos , magazines et guides imaginables sur le Mt Blanc, l'autre valise c'était le "matériel de pointe": Il y avait les gammes complètes de coinceurs, hexcentrics, friends…

Le plus dur après, parmi tout ça, c'était de choisir la course et de sélectionner le matériel à emmener avant le départ de la dernière benne !